Méthode: Comment faire une explication de texte?

Texte vient du substantif latin textus, « tissu, trame ». Explication vient du verbe latin explicare, « déployer, déplier » (au sens propre, déplier une des longues bandes de parchemin qu'au fur et à mesure de leur lecture, les Romains enroulaient et déroulaient autour d'une baguette d'osier ou de bois — geste patient et soigneux car les rouleaux étaient fragiles et encombrants). Au sens figuré, il s'agit donc de développer, pour le clarifier, un texte replié, enroulé sur lui-même. 



I. En quoi consiste l’explication de texte ?

  • L'explication porte sur un extrait d'une trentaine de lignes environ, plus ou moins selon la nature du texte. L’extrait peut être plus court — s’il s’agit d’un sonnet par exemple —, ou plus long — s’il s’agit d’un dialogue théâtral par exemple.
  • Le candidat dispose d’une heure de préparation, puis l’oral lui-même dure environ 30 minutes : 20 minutes pour l’explication, qui est suivie d’un entretien d’une dizaine de minutes avec l’examinateur. Pendant la première partie, le candidat est autonome et présente son exposé oral sans attendre de question ou de relance de la part de l’examinateur. L’entretien, au contraire, est un dialogue mené par l’examinateur.
  • Contrairement à la lecture méthodique et au commentaire composé, l'explication linéaire suit l'ordre du texte. La règle fondamentale de ces différents exercices d’exégèse littéraire est de ne jamais séparer le fond et la forme. La forme fait sens. Il faut donc commenter les procédés d'écriture, mais ce n'est pas une fin en soi : toutes les remarques stylistiques doivent déboucher sur une interprétation. 

II. Préparation de l'explication (1 heures)


Découverte du texte : On aborde toujours un texte par ses références : le nom de l’auteur, le titre de l’œuvre et sa date de publication, le titre de l’extrait (s’il y en a un). Ces informations permettent de situer l’extrait dans une époque, dans un courant littéraire, mais aussi à l’intérieur de l’œuvre de l’auteur, puisque le texte est extrait de l’une des œuvres au programme.

Première lecture : Après avoir lu le texte une première fois, il faut s'interroger sur le choix de l'extrait et en comprendre les limites fixées. Puis s'assurer que le lexique, le sens des phrases sont bien compris.

Découpage de l’extrait : On cherche ensuite à repérer la structure interne du passage, en le divisant en deux, trois ou quatre segments (tout dépend bien sûr du texte : il n’y a pas de plan-type !). On délimite précisément ces différents mouvements avec les numéros de ligne (ou de vers) et qu’on caractérise en donnant à chacun un titre.

Analyse : En suivant l’ordre du texte, on procède à des repérages systématiques, en concentrant son attention sur (entre autres) :
  • la typographie
  • l'énonciation (dialogue, paroles rapportées, interventions du narrateur…)
  • les réseaux lexicaux
  • les temps verbaux
  • les repères de temps, de lieu ou les articulations logiques
  • le rythme des phrases et leurs sonorités
  • les figures de style, etc.
Problématique : Au fur et à mesure qu’on accumule ces observations, on voit se dégager une ligne directrice : ce projet de lecture, ou problématique de l’explication, va servir à rassembler en un ensemble cohérent l’ensemble des remarques faites au fil du texte, en les subordonnant à un projet d’interprétation globale de l’extrait. Dès lors, toutes les nouvelles remarques qu’on ajoute (toujours en suivant l’ordre du texte jusqu’à la fin) doivent nourrir cette interprétation : l’explication ne relève plus seulement de l’observation et du repérage, mais de l’herméneutique.

Mise en forme de l’exposé : À la fin de l’explication, on prépare sommairement au brouillon l’introduction et la conclusion de l’explication, selon les protocoles détaillés ci-dessous.

II. Présentation de l'explication à l'oral (20 minutes)


Introduction


L’introduction d’une explication de texte est longue. Elle passe par 5 étapes :

1. Situation du passage:
  • La situation du passage, qui ouvre l’introduction, doit se garder de trop grandes généralités. Elle a pour fonction non seulement de situer l’extrait dans son contexte, mais d’amorcer l’étude de ce qui se joue dans le texte à expliquer. Aussi ne s’agit-il pas de résumer ce qui précède, mais de montrer que le passage a un sens dans l’économie de l’œuvre.
  • En quelques phrases, brèves et efficaces, on formule les premières informations, destinées à introduire la lecture oralisée de l’extrait :
  • On présente l’auteur, la source et la date du texte, puis on le situe sommairement dans son contexte historique et littéraire.
  • On donne quelques premiers points de repère qui annoncent le contenu du texte, en se servant par exemple des questions traditionnelles : qui ? quoi ? (l'action) quand ? où ?
  • Il faut de plus signaler dès cette mise en place si l'extrait est situé à un point-clef de l'œuvre, tel que l'incipit ou l’excipit, l’exposition ou le dénouement, etc. 
2. Lectures:

Après avoir ainsi introduit le texte, le candidat le lit à haute voix, dans son intégralité. Cette lecture est un moment très important de l’exercice : sa qualité est souvent révélatrice du niveau de compréhension du texte. Il faut donc la préparer, pour donner la bonne intonation aux phrases et faire les liaisons. La lecture doit être juste, bien articulée, expressive (sans devenir un numéro d’acteur) et communiquer autant que possible le plaisir du texte. Dans le cas d’un texte versifié, le rythme des vers doit impérativement être respecté.

3. Caractérisation du passage:

Déterminer la nature du texte en précisant le genre (roman, théâtre, poésie, essai), le sous-genre (pour une pièce de théâtre : tragédie, comédie, farce, drame bourgeois ou drame historique...), le type de texte (narratif, descriptif, informatif ou explicatif, argumentatif), ou bien encore la tonalité (sérieuse, comique, pathétique, ironique, etc.) On n’est pas obligé de convoquer à chaque fois toutes ces typologies textuelles, mais il faut pointer les caractéristiques génériques qui permettent de convoquer les instruments d’analyse textuelle adaptés aux caractéristiques du texte : par exemple, un extrait de théâtre appelle une analyse dramaturgique ; si c’est une comédie, il faut penser aux différentes formes du comique (de mots, de geste, de situation, etc.) ; si c’est une pièce du XVIIe siècle., se référer aux règles du théâtre classique, etc.

4. Structure du texte:

Il s'agit de délimiter des mouvements, plutôt que des parties, en insistant sur la dynamique du texte. On annonce donc deux ou trois séquences (parfois, mais plus rarement, quatre), dont on caractérise l’unité par un titre. Ce découpage fournira des points de repère dans le cours de l’explication. L’identification d’une structure est déjà en soi un acte d’interprétation. A travers ce mouvement du texte, il faut chercher à rendre compte de l’unité produite par cette composition.

5. Problématique:
  • Formuler une problématique, cela consiste à choisir un aspect particulier de la signification du texte, en quoi réside (selon l’hypothèse de l’interprète) l’originalité, le caractère unique et inimitable de l’extrait. On annonce qu’on va s'attacher à mettre en valeur cet aspect-là du texte, en en faisant l'axe directeur de son explication.
  • Le critère de réussite d'une explication linéaire réside dans le choix de la problématique et dans l'art de rapporter toutes les observations ponctuelles à cet axe directeur. Ce qu'il faut éviter, c'est l'émiettement d'une série de remarques ponctuelles sans lien entre elles. Au contraire, il faut laisser de côté toute observation formelle qui ne se rattache pas à la problématique : une remarque sur le texte qui ne contribue pas à son interprétation est dépourvue d’intérêt.
  • La présentation du projet de lecture est l’étape la plus importante, et pourtant souvent la plus négligée par les candidats. Il faut y annoncer l’orientation de l’explication, dégager une idée directrice qui soit pertinente et efficace pour l’ensemble du texte. La perspective ouverte ne doit être ni trop large (sinon elle laisse échapper la spécificité du texte) ni trop étroite (elle en appauvrirait l’intérêt) et elle doit susciter la curiosité sans la satisfaire prématurément. 

Développement : une explication linéaire


L’explication présente une description et une interprétation du texte, qu’elle suit pas à pas dans son déroulement. Cette progression linéaire s’appuie sur les scansions du texte qui ont été annoncées lors du découpage.
Le candidat s’efforce de faire une analyse exhaustive de l’extrait en proposant, pour chaque phrase, un ou plusieurs éléments de commentaires. Ces remarques seront de différents ordres :
  • encyclopédiques : les réalités référentielles évoquées par le texte ont souvent besoin d’être expliquées, surtout quand il s’agit de faits anciens ou spécialisés ;
  • historiques : les textes anciens ne se comprennent que par référence à la situation, à l’environnement dans lequel ils ont été écrits ;
  • idéologiques : faisant référence aux débats esthétiques, politiques ou religieux contemporains du texte ;
  • psychologiques : le comportement des personnages de fiction peut être éclairé par référence à une psychologie traditionnelle (l’analyse des sentiments, comme la passion amoureuse) ou à une psychologie des profondeurs (dérivée, entre autres, de la psychanalyse) ;
  • linguistiques : le lexique, la syntaxe des phrases (simples ou complexes), la situation d'énonciation, les temps verbaux, etc. ;
  • rhétoriques : les figures de style ;
  • génériques : l’inscription du texte dans une tradition, dans un genre littéraire, respecté ou subverti ; les sources et les modèles du texte ; les phénomènes d’intertextualité (citation, imitation, allusion…) ;
  • esthétique : ne pas oublier de mettre en valeur les beautés du texte, en essayant de préciser par quels procédés d’écriture elles sont créées. 


Quelques conseils pour développer une explication linéaire maîtrisée :
  • Surveiller sa montre et adapter le rythme de l’explication au temps dont on dispose. Il ne faut aller ni trop vite – éviter de survoler le texte, voire (pire encore) d’en passer sous silence tel ou tel passage sur lequel on n’a rien à dire – ni trop lentement – éviter de piétiner sur une partie du texte en s’attardant trop à des évidences ou à d’excessives minuties d’analyse.
  • Il ne faut pas relire chaque phrase et l'expliquer ensuite, mais faire des remarques appuyées sur des citations courtes.
  • Il faut travailler à l'enchaînement des remarques pour donner une impression de fluidité du discours explicatif.
  • Pour articuler son exposé, on signale explicitement les moments où l’on passe d’un mouvement du texte au suivant, afin d’aider l’examinateur à suivre la progression de l’explication. 

Conclusion

Elle se fait en deux temps :
  • D'abord un bilanqui referme l'explication en revenant sur la problématique initiale, pour montrer que l'axe directeur choisi caractérisait bien, en effet, la spécificité du texte.
  • Ensuite une ouverture, qui peut consister à évoquer une perspective interprétative, une hypothèse de sens, qui n'a pas été envisagée mais qui aurait pu l'être ; ou encore à proposer une comparaison justifiée avec un autre texte, à condition que ce rapprochement ne soit pas purement arbitraire et évite les anachronismes. 

IV. L’entretien (environ 10 minutes)


L’entretien fait pleinement partie de l’épreuve : il permet souvent de rattraper une explication inaboutie, ou au contraire peut contribuer à dévaloriser rétrospectivement une prestation qui avait d’abord convaincu. Il faut donc se tenir prêt à répondre aux questions de l’examinateur, en ayant en tête les principes suivants :
  • Bien écouter la question, prendre le temps de la comprendre et d’y réfléchir : ne pas se précipiter et risquer de répondre à côté de la question.
  • Ne pas répéter terme à terme ce qui a été dit dans l’exposé (ce qui sous-entend que l’examinateur n’a pas bien écouté ou pas bien compris — deux sous-entendus à exclure !)
  • Accepter l’échange : ne pas camper sur ses positions, mais essayer de voir où l’examinateur veut en venir, afin d’entrer dans son point de vue.
  • Faire des réponses assez développées; ne pas répondre laconiquement.
  • Respecter les règles élémentaires de la courtoisie : ne pas se montrer agacé par les questions (même celles qui paraissent incongrues), ne pas soupirer ; sourire, ou du moins se montrer avenant…
À quelle sorte de questions devez-vous vous préparer ?
  • Il vous sera parfois demandé de relire un passage du texte (si vous avez écorché un mot ou gauchi une tournure de phrase par une intonation fautive).
  • On peut vous demander de préciser le sens d’un mot ou d’une expression, afin de vérifier votre compréhension du vocabulaire.
  • On vous fera revenir sur une de vos interprétations, afin de vous pousser à la justifier, à l’approfondir ou à la faire évoluer.
  • On vous suggérera d’autres interprétations possibles du texte, en vous demandant de vous prêter un instant à des hypothèses que vous n’aviez pas envisagées.
  • On vous amènera à tisser des liens avec l’œuvre intégrale, voire avec les autres œuvres au programme. 

L’entretien est un dialogue à propos d’une passion que l’examinateur et le candidat ont en commun — le goût des textes littéraires — et doit à ce titre être abordé comme un moment constructif (sinon agréable) et non comme une épreuve pénible 

Pour finir : quelques conseils et mises en garde

  • Devant tout texte, il faut d’abord s’interroger sur le sens littéral. Interrogez-vous précisément sur le sens des mots (lorsque cela est nécessaire, bien sûr) : l’acception de certains mots – surtout quand il s’agit de textes des XVIIe et XVIIIe siècles, dont la langue donne une fausse impression de familiarité – est parfois méconnue.
  • Etre attentif au contexte de l’extrait (d’autant plus que l’œuvre entière est supposée bien connue), non seulement au contexte immédiat, mais à l’ensemble d’où il est tiré, dont il reçoit un éclairage particulier. Même un fragment détaché (extrait de recueil poétique, d’essai, de recueil de maximes, etc.) ne peut se comprendre vraiment sans l’élucidation de ses relations, manifestes ou implicites, avec ce qui précède ou ce qui suit.
  • La méconnaissance de l’arrière-plan historique, littéraire et culturel peut aboutir à de véritables contresens. C’est un point sur lequel les rapports reviennent fréquemment. Parmi ces informations : faits de civilisations et de mœurs, perspectives historiques mettant à l’abri des anachronismes, relations d’intertextualité déclarées ou latentes, rapprochements avec d’autres domaines esthétiques (arts plastiques, musique…) établis avec discernement… Toutes ces informations enrichissent le commentaire, à condition que le candidat les mette au service du texte.
  • Qualités orales : éviter tout jargon et ne faire au langage spécialisé de la psychanalyse ou de la linguistique que des emprunts limités et nécessaires. Eviter davantage encore tout style familier, le jury n’aimant pas ce ton (même quand on utilise des « guillemets »). Donner à son propos non seulement l’exactitude et la correction qu’on attend, mais une certaine vivacité, une chaleur qui témoigne que le texte n’est pas l’occasion d’une gymnastique imposée mais l’aliment d’une curiosité sympathique et la source d’une émotion.


Commentaires